15 septembre 2011

Histoire du manga


L’ouvrage raconte d’une façon chronologique la fabuleuse aventure du manga au Japon, depuis ses origines jusqu’à nos jours. Il se divise en trois parties : son étymologie et sa genèse, ses artisans et sa popularité, son évolution contemporaine. Tout au long du livre, une large place est aussi réservée à l’évolution de la société japonaise.

Après avoir expliqué les différentes étymologies du mot manga, l’auteure le défini ainsi : « déroulement d’une histoire en plusieurs volets accompagnés de bulles de dialogue». Il situe ensuite la naissance du manga à la fin du 19e siècle en se basant sur cette dernière étymologie, l’émergence du manga comme art populaire, la généralisation de l’éducation et l’expression d’opinions dans les mangas.

Karyn Poupée souligne les contributions initiales de deux auteurs européens dans la genèse du manga : l’Anglais Charles Wirgman (Japan Punch) et le Français Ferdinand Bigot (Tôbaé). Leurs publications sont ensuite imitées dans Maru Maru Chinbun par Fumio Nomura, Kinkichiro Honda et Kyochika Kobayashi. Cette première étape de l’histoire du manga se déroule dans le contexte effervescent de l’ère Meiji (1868-1919).

La deuxième partie de l’ouvrage débute par la naissance proprement dite du manga avec les auteurs Rakuten Kitazawa (1876-1955) et Ippei Okamoto (1886-1948), dans les années 1910. Leurs réalisations se caractérisent par la grande diversité des thèmes abordés et des styles graphiques novateurs.

Karyn Poupée s’attarde ensuite au contexte social, économique et culturel des années 1920. Trois personnages connaissent alors une grande popularité : Nonkina To-san et Non-To, par Yutaka Aso, et Sho-chan, par Katsuichi Kabashima et Shosei Oda.

Les années 1930 sont marquées par l’expansionnisme japonais en Chine et l’isolement du pays sur la scène internationale. Dans ce contexte, naissent les premiers grands héros du manga, souvent inspirés des comics américains : Supido Taro (Sako Shishido), Tanku Tankuro (Gajo Sakamoto), Boken Tankuro (Keizo Hhimada), Norakuro et Ha-chan (Shiho Tagawa), Bikkuri Tosshintai (Noboru Ooshiro). À partir de la fin des années 1930, la manga sera mis au service du militarisme et de la guerre.

Le premier chapitre de la troisième partie de l’ouvrage décrit la société après la capitulation de 1945. Dans ce contexte naît le périodique Manga Shonen, un vivrier de talents, et des livrets de bande dessinée bon marché. Parmi ces derniers, le manga narratif publié en feuilletons selon les critères définis par Osamu Tezuka : 1° un personnage central récurent; 2° un découpage serré des actions en vignettes; 3° l’emploi de phylactères pour les dialogues.

Le chapitre suivant est consacré à la biographie et à l’œuvre du père du manga : Osamu Tezuka. Parmi ses publications, celles-ci sont les plus remarquables : Shokokumin (1947), Kitarubeki sekai (1948), Jungle Taitei et sa créature la plus emblématique Tetsuwan Atomu (1951).

Le chapitre 9 brosse une fresque historique et culturelle des années 1950 caractérisées par la renaissance du manga : Ninja Bugeicho (Sanpei Shirato), Fuichin-san (Toshiko Ueda), Fuku-chan (Ryuichi Yokoyama), Anmitsu Hime (Shosuke Kurakane), Ribon nokishi (Osama Tezuka). C’est l’époque aussi où les bandes dessinées à louer obtiennent un grand succès. Le style du manga dramatique se développe avec Yoshihihiro Tatsumi et Shigeru Mizuki.

Le chapitre suivant raconte la rivalité entre deux nouvelles revues au cours des années 1960 et subséquentes : Shukan Shonen Sunday et Shukan Shonen Magazine. Le mangaka humoriste Fujio Akasuka (1935-2008) connaît une grande popularité avec Osomatsu-kun et Tensai Bakabon. À partir de 1963, Osamu Tezuka diffuse la première animation télévisée : Tetsuwan Atomo. Dans le nouveau périodique Garo, Sanpei Shirato publie la mémorable saga Kamui-den où il dénonce les ségrégations sociales. Le chapitre est complété par un topo sur l’émergence du manga pour les femmes et le lancement de l’hebdomadaire Shonen Jump.

Le chapitre 10 débute par la présentation du contexte socio-économique du Japon des années 1970. Dans cette décennie, les hebdomadaires de manga connaissent un âge d’or. Shonen Jump publie Play-Ball (Akio Chiba), Ringu ni Kakero (Masami Kurumada) et Sakkitto no ookami (Satoshi Ikezawa). Shonen Magazine publie Ore ha teppei (Tetsuya Chiba), Mitsume ga tooru (Osamu Tezuka), Tsuri kichi Sanpei (Takao Yagushi), Tonda Kapuru (Tonda Yanagisawa). Le Shonen Sunday publie Makoto-chan et Again (Kazua Omezy), Cybor 009 (Shotaro Ishinomori), Survival (Tako Saito). Le Shonen Champion publie Black Jack (Osamu Tezuka), Wild 7 (Mikiya Moshizuki). Big Comic publie le manga complexe MW (Osamu Tezuka).

Cette décennie voit aussi l’explosion du manga féminin. Aujourd’hui, par exemple, la série Sazae-san (Machiko Hasegawa) est toujours la plus populaire après 40 ans d’existence. Autres exemples d’œuvres de mankagas féminins émancipées : Po no ichizoku (Moto Gagio), Kaze to ki no uta (Keiko Takemiya), Arabesuku (Ryoko Yamagishi), Garasu no kamen (Suzue Miuchi), surtout et Berusaiyu no bara (Riyoko Ikeda). Ce dernier ouvrage, La Rose de Versailles, connut un succès sans précédent et sa notoriété dure jusqu’à nos jours.

Les années 1980 sont celles des jeux vidéo, du matérialisme triomphant et de la spéculation boursière effrénée. L’hebdomadaire Shonen Jump connaît son âge d’or avec Dukuta Suranpu Arare-chan et Dragon Ball (Akira Toriyama), Tsubasa-kun (Yoichi Takahashi), Jojo no kimyo na boken (Hirohiko Araki). Il atteint plus de 5 millions d’exemplaires en 1989. C’est au cours de cette décennie que le manga atteint sa maturité par son extrême diversité de types, de thèmes et d’auteurs. Kosoku Shima (Kenshi Hirokane) illustre la vie d’un employé typique de la bulle spéculative et le manga est encore publié aujourd’hui dans le Morning. À côté de publications subversives, une nouvelle vague surgit avec Katsuhiro Otomo qui pousse à l’extrême les détails significatifs avec Domu et Akira.

La bulle éclate dans la décennie suivante, avec de profondes répercutions sociales et économiques. Toutefois, cette crise économique dont l’ampleur est comparable à celle qui a suivi la capitulation de 1945 n’affecte pas la popularité des bandes dessinées. Ainsi, le manga Slam Dunk (Takehiko Inoue) atteint un record en étant vendu à plus de 100 millions d’exemplaires (1990-1996). Le manga féminin se transforme par une plus grande affirmation des adolescentes et des jeunes femmes. Parallèlement, un nouveau phénomène prospère : les boys-love lus par un bon nombre d’entre elles.

La popularité du manga commence à décliner à partir de 1996 et se poursuit jusqu’à nos jour, notamment à cause des productions pornographiques dénoncées par les parents et les éducateurs. D’autres facteurs expliquent aussi ce déclin : la démocratisation d’Internet, l’accès croissant au cellulaire et aux jeux vidéo. Par ailleurs, le maga adulte connaît une autre tangente : « Le manga pour adultes, corrosif dans les années 1950, revendicatif dans les années 1960, dépuratif dans les années 1970, récréatif dans les années 1980, se découvrit dans les années 1990 un nouveau rôle, être informatif et éducatif. » (p. 302) Le cas du cynique et nationaliste Yoshinori Kobayashi (Obochama-kun, Tenno-ron, Showa Tenno-ron) est particulier.

Le dernier chapitre est consacré aux années 2000. Pendant cette décennie, la société japonaise est pétrie d’angoisse. Plusieurs raisons expliquent pourquoi le manga est de moins en moins populaire au Japon, tout particulièrement auprès de la nouvelle génération. À cet égard, soulignons ces propos contrastés :

« Le microscope du manga déprime et pourtant, paradoxalement, tout se mangaïse autour de lui : les manuels pratiques, les couvertures de romans et essais, les modes d’emploi, la publicité, les ouvrages scolaires, les programmes électoraux, les documents administratifs, les recueils de recettes culinaires, les guides touristiques. » (p. 340)

Dans les dernières pages de son ouvrage, l’auteure s’attarde aux plus récentes productions populaires : One Piece (Eiichiro Oda), Death Note et Bakuman (Tsugumi Oba et Takeshi Obata), Nana (Ai Yazama), Beck (Horudo Sahuichi), Nodame Cantabile (Tomoko Ninomiya), Bagabondo (Takehiko Inoue), Mada ikiteiru (Hiroshi Motomiya), Jisatsuto (Koji Mori), Subarashii Sekai et Hikari no machi (Inio Asano), 20th Century Boys (Naoki Urasawa).

Un index complète l’ouvrage.

À bien des points de vue, ce livre est remarquable : l’histoire du manga racontée par décennies; la présentation du contexte politique, social et économique de chaque décennie; les caractéristiques évolutives des différentes clientèles (enfants, adolescents, adolescentes, jeunes, adultes); l’émergence et les particularités du lectorat féminin; le contenu et le rayonnement et les rivalités des publications populaires et marginales; les enjeux commerciaux et des statistiques sur l’édition; la présentation des grands mangakas et l’analyses de leurs œuvres phares.

Bref, un livre de référence sur le manga et son histoire.

Images (Wikipédia)

Couverture d'avril 1883 de Japan Punch (Charles Wirgman)
Couverture de Tôbaé, N° 6, 1887 (Georges Ferdinand Bigot)

Référence

Poupée, Karyn. – Histoire du manga. L’école de la vie japonaise. – Paris : Tallander, 2010. – 296 p. – ISBN 978-2-84734-668-8. – Cote BAnQ : 741.56952 P8769h 2010. – [Définition, p. 22].

Expositions

L’année Manga à la Grande Bibliothèque est une invitation à explorer cette culture haute en couleur grâce à deux expositions majeures sous le commissariat de Mira Falardeau, spécialiste de la bande dessinée. Entrée libre.

Manga – L’art du mouvement

Présentée dans la salle d’exposition principale de la Grande Bibliothèque du 20 septembre 2011 au 30 septembre 2012, Manga – L’art du mouvement souligne avant tout la vitalité d’une forme d’expression artistique devenue un phénomène culturel mondial. Une invitation à découvrir de grands artistes qui ont envahi la sphère publique et influencé les habitudes de consommation dont la mode!

Raconte-moi un manga

Au moyen de nombreuses pages de mangas, cette exposition présentée à l’Espace Jeunes dès le 20 septembre expliquera aux jeunes visiteurs les techniques utilisées pour accentuer les émotions que vivent les personnages et illustrer une histoire de façon originale.

Une programmation spéciale liée aux expositions manga donnera la parole à des créateurs, à des chercheurs, à des amateurs passionnés et à des gens du milieu du livre. Le cycle de la programmation destinée aux adultes débutera le 22 septembre par un entretien avec Keiichi Hara, réalisateur japonais de films d’animation, puis par la projection de son film Un été avec Coo. Le microsite thématique manga.banq.qc.ca, mis en ligne dès aujourd’hui, proposera une foule de contenus qui se déploieront au cours de l’année.

Source

Communiqué de presse (BAnQ, 01 09 2011)

Sur la Toile

Animint (La référence de l'anime manga)
Histoire du manga (ARTE)
Histoire et étude de la bande dessinée japonaise (Shinmanga)
Manga (Une plongée dans l’histoire de la BD japonaise) (BAnQ)
Manga (Wikipédia)
Mangakana (François Burniaux et Nicolas Ducos)
Site Manga (Mangaluxe)
Musée international du manga (Kyoto)
Tezuma Osamu (Site officiel)
Tokyo International Manga Library (Université Meiji)

Articles connexes

La jeunesse de Jirô Taniguchi
Réaliser des mangas sur ordinateur

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