13 août 2012

Carte de Waldseemüller (1507)


Toby Lester a découvert par hasard le planisphère de Waldseemüller, en 2003, lors de l’annonce de l’acquisition de cette carte par la Bibliothèque du Congrès au coût de dix millions de dollars. Par la suite, le chercheur de l’Université Brown a entrepris l’étude de cette carte singulière.

Le planisphère de Waldseemüller est considéré comme « l’acte de naissance de l’Amérique », car c’est la première carte où le toponyme Amérique est inscrit. Précédé d’une préface et d’un prologue, le livre de Lester est divisé en trois parties : Ancien Monde, Nouveau Monde, Le monde entier. Un extrait de la carte de Waldseemüller est affiché au début de chaque chapitre.

Prologue

Le prologue présente l’Introduction à la cosmographie (1507) et l’histoire du planisphère de Waldseemüller (1507-2007). La découverte de la carte par Joseph Fisher, en 1901, est racontée avec beaucoup de détails.

Ancien Monde

À partir des Chroniques de Matthew Paris (v.1200-1259), Lester retrace les sources historiques de la cartographie occidentale, depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen-âge. Il évoque tour à tour des œuvres d’auteurs célèbres tels Isidore de Sicile (Terre immobile au centre du cosmos), John of Holywood ou Sacrobosco (sphéricité de la Terre), Macrobe (carte zonale). La représentation de la Terre et T-O et ses significations successives sont détaillées, dont la carte du Psautier (1265) typique des mappemondes moyenâgeuses.

Les chapitres suivants sont consacrés aux conquêtes mongoles du 13e siècle, à la légende du prêtre Jean et aux explorations médiévales de l’Asie par Jean de Plan Carpin (1245-1247), Guillaume de Rubrouck (1253-1255, Nicolas et Mathieu Polo (1260-1269), Nicolas et Marco Polo (1271-1295).

Cette partie initiale de l’ouvrage est complétée par l’évocation des voyages de Brendan et de Jean de Mandeville, l’apparition de la boussole (compas) et de la carte marine (Carte Pisane, v.1275), la production de la carte hybride portulan-mappemonde (Atlas catalan, 1375), l’adaptation de la théologie chrétienne à la cosmologie d’Aristote et les coordonnées géographiques établies par Claude Ptolémée.

Nouveau Monde

La deuxième partie du livre est la plus considérable. Elle débute par la redécouverte des îles Canaries, en 1341, et les études de la géographie antique par deux humanistes de la Renaissance, Plutarque et Boccace.

Le contenu de la Géographie de Claude Ptolémée (v.90-168) et l’histoire de la redécouverte de ce document au cours de la Renaissance sont longuement expliqués. L’œuvre du cartographe grec innove quant à son but (cartographier le monde), les moyens utilisés (coordonnées géographiques, zones climatiques, projections, délimitation de l’écoumène et des limites du monde connu) et ses données (8 000 toponymes avec leurs coordonnées précises).

La côte occidentale de l’Afrique fut une des premières régions inconnues à faire l’objet d’explorations informelles et officielles, notamment par Henri le Navigateur (1394-1460) : conquête de Ceuta par les Portugais (1415), traversée du cap Bojador (1433), découverte du Cap-Vert et de la Guinée (1444). L’or, la recherche du prêtre Jean et l’esclavage furent les principaux motifs de ces expéditions maritimes.

À la même époque, Nicolas de Conti (1395 - 1469) explore l’Inde et le sud-est asiatique. Par ailleurs, Bartolomé Dias (v.1450-1500) contourne le cap de Bonne-Espérance en 1487. Ces nouvelles découvertes permirent à Martellus de dresser une carte actualisée, vers 1490, du planisphère de Ptolémée montrant le monde connu. Peu de temps après, Martin Behaim construit un globe terrestre (1492).

Les chapitres consacrés à Christophe Colomb (1451-1506) relatent l’expérience exhaustive du marin, ses démarches au Portugal et en Espagne (1483-1492) pour obtenir une commandite d’exploration atlantique vers l’Inde, ses nombreuses lectures annotées et ses quatre voyages en Amérique (1492-1493, 1493-1496, 1498-1500, 1502-1504).

À la fin du 15e siècle et au début du 16e siècle, d’autres explorateurs contribuent à de nouvelles découvertes : Jean Cabot (1450-1498) aborde Terre-Neuve (1497); Vasco de Gama (v.1460-1524) atteint Inde en contournant l’Afrique (1498); Pedro Álvares Cabral (v.1467-1520) découvre le Brésil (1500) ; Miguel (v.1448-1502?) et Gaspar Corte-Real (v1450-1501) se rendent au Groenland, au Labrador et à Terre-Neuve (1500-1501). La carte marine de Jean de La Cosa (v.1500) rend bien compte de ces découvertes.

Le dernier chapitre de cette partie est dédié à Amerigo Vespucci (1454-1512). Lester raconte les deux voyages de Vespucci en Amérique du Sud (1499-1501, 1501-1502), tout en analysant les trois lettres familières (1500, 1501, 1502) et l’opuscule (1503) du découvreur sur ses explorations.

Le monde entier

L’invention de l’imprimerie en Europe permis la reproduction de la Géographie de Ptolémée (1477-1490). Les cartes imprimées sont mis à jour en tenant compte des récentes découvertes du siècle courant. Après le premier voyage de Colomb, leur impression cesse pendant dix-sept ans et seules les cartes marines témoignent alors de la découverte du Nouveau Monde. À cet égard, les planisphères d’Alberto Cantino (1502) et de Nicolas de Caverio (1505) sont exemplaires.

La publication d’une nouvelle édition (1505) du Nouveau monde d’Amerigo Vespucci par l’humaniste Matthias Ringmann (1482-1511) suscite l’intérêt de Vautrin Lud (1448-1527), chanoine de l’église de Saint-Dié. Celui-ci crée ensuite un atelier d’imprimerie sous le nom de Gymnase vosgien afin de publier un planisphère révisé de Ptolémée. À cette fin, il recrute Ringmann et Martin Waldseemüller (1470-1520).

Lester s’attarde sur les sens étymologiques du toponyme Amérique apparu pour la première fois sur le planisphère de 1507. Il attribue ce néologisme à Ringmann. Puis, il passe en revue les principales sources de Waldseemüller pour l’élaboration du planisphère : l’édition d’Ulm (1482) de la Géographie de Ptolémée pour le monde antique, le planisphère (1490) d’Henricus Martellus pour l’est et le planisphère de Caverio (1505) pour l’ouest.

La constitution du planisphère est décrite d’une façon exhaustive : dimension (4½ x 8 pieds), 1 000 exemplaires, 12 segments contigus, imprimeur (Johannes Grüninger), projection et hémisphères au-dessus du cadre (symbolisme de l’aigle impérial), quadrillage et coordonnées géographiques, insularité du nouveau continent, divisions territoriales, toponymes, illustrations et légendes.

Le planisphère est vendu conjointement avec l’Introduction à la cosmographie et un globe des fuseaux terrestres. Il était probablement accompagné d’un guide d’assemblage. Sa diffusion couvre rapidement l’Allemagne et toute l’Europe. Malgré les récriminations des Espagnols, le toponyme Amérique perdura jusqu’à nos jours pour désigner le nouveau continent.

Dans le dernier chapitre, Lester explique comment le planisphère de Waldseemüller eut un impact déterminant sur la nouvelle conception héliocentrique du cosmos de Nicolas Copernic (1473-1543).

Épilogue

L’auteur résume son ouvrage et présente ainsi la signification profonde du planisphère de 1507 de Martin Waldseemüller :

La carte révèle une enfilade de mondes en succession. […] Ce que le planisphère cartographie au bout du compte, c’est en d’autres termes rien de moins que les contours de l’expérience humaine elle-même : une tentative sans fin pour imaginer notre place dans le monde.

Compléments

L’ouvrage, contenant onze planches en couleurs et d’innombrables cartes en noir et blanc, est complété par une annexe, les remerciements, des références, les ouvrages et articles cités, des suggestions de lecture, les crédits photographiques et autorisations, un index.

Appréciation

L’étude de Toby Lester sur l’histoire de la cartographie occidentale, depuis l’Antiquité jusqu’aux Temps modernes, se lit comme un roman. Son style et ses illustrations rendent sa lecture aussi plaisante qu’instructive.

Référence

Lester, Toby. – La quatrième partie du monde. La course aux confins de la Terre et l’histoire épique de la carte qui donna son nom à l’Amérique. – Traduit de l’anglais par Bernard Sigaud. – Paris : JC Lattès, 2012. – 561p. – ISBN 978-2-7096-3337-6. – Cote BAnQ : 912.73 L6428q 2012. – [Citation, p. 481, 883].

Planisphère

The Map That Named America (John R. Hébert, Library of Congress)
Universalis cosmographia secundum Ptholomaei traditionem et Americi Vespucii aliorū que lustrationes (American Memory, Library of Congress)
The Waldseemüller Map of the World (Wikimedia Commons)

Références complémentaires

Le planisphère de Waldseemüller et plusieurs autres documents cartographiques contenus dans le livre de Toby Lester sont reproduits en couleurs dans

Litalien, Raymonde ; Palomino, Jean-François ; Vaugeois, Denis. – La mesure d’un continent : atlas historique de l’Amérique du Nord, 1492-1814. – Québec : Septentrion, 2007. – 300 p. – ISBN 978-2-89448-519-4. – [ Présentation ].

La Collection numérique de cartes et plans de BAnQ contient notamment les planisphères d’Alberto Cantino (1502) et de Johann Herwagen (1537).

Les écrits de Vespucci sont maintenant disponibles en français :

Vespucci, Amerigo. – Le Nouveau Monde. Les voyages d’Amerigo Vespucci (1497-1504). – Traduction, introduction et notes de Jean-Paul Duviols. – Paris : Chandeigne, 2005. – 303p. – (Collection magellane). – ISBN 2-906462-06-03. – Cote BAnQ : 918.04 V581 2005.

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