18 novembre 2014

Analyse du pouvoir


Cette miniature persane (1515) illustre la bataille de Tamerlan contre le sultan d’Égypte (vers 1400). Elle est reproduite sur la page couverture d’un nouveau livre publié aux Éditions CNRS: Le luxe et la violence. Domination et contestation chez Ibn Khaldûn, par Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’EHESS.

Dans la partie initiale de l’introduction, intitulée Une lecture d’Ibn Khaldûn, l’auteur précise que son ouvrage fait suite à de nombreux échanges avec Gabriel Martinez-Gros. D’entrée de jeu, il rappelle que les processus de pacification et de brutalisation coexistent au cœur même de la civilisation. Dans la partie suivante, Hamit Bozarslan présente l’histoire conceptuelle chez l’historien du 14e siècle. La méthodologie et le monde d’Ibn Khaldûn sont ensuite abordés.

L’ouvrage compte sept chapitres:

1.- Le particulier, l’universel
2.- De quoi le pouvoir est-il le nom?
3.- Les matières grises du pouvoir
4.- La destruction du pouvoir
5.- Entrer dans l’histoire, sortir de l’histoire
6.- Désintégration, violence et dissidences religieuses
7.- La violence de la guerre, la violence des frontières

Un épilogue suit ces chapitres en guise de conclusion: «Ibn Khaldûn est un penseur d’État, un penseur qui pense l’État à partir d’une posture conservatrice. […] Le «pessimisme de la situation» d’Ibn Khaldûn est un point de départ possible pour envisager un futur «optimisme de la volonté».

Tout au long de son exposé, l’auteur confronte les idées et la démarche d’Ibn Khaldûn avec celles de prédécesseurs, comme al-Gazhi, al-Mawardi, al-Sayban, Aristote, Ahmad Ibn Hanbal, Ibn Hazm, Ibn al-Muqaffa, Thucydide, Xun Zi, et des penseurs postérieurs, tels Adorno, Arendt, Baslez, Benjamin, Bourdieu, Derrida, Gramsci, Hobbes, Laroui, Machiavel, Pareto, Pomian, Rousseau, Toynbee. L’auteur se réfère aussi directement à l’actualité, notamment aux révoltes contemporaines.

Les notes de bas de page sont denses et elles occupent un espace significatif. Par ailleurs, l’ouvrage est complété par un Glossaire des termes d’origine étrangère, une Bibliographie, un Index et des Remerciements. La Table des matières est détaillée.

Appréciation

L’ensemble de l’exposé est intéressant, mais certains thèmes ont particulièrement retenu mon attention, dont ceux-ci:

- la violence inhérente au pouvoir: «Plus le pouvoir fait système, plus la cité produit une violence systémique.»
- la lecture cyclique de l’histoire et l’histoire-changement
- la question de la mémoire: «S’il leur est malaisé de définir la mémoire, toujours construite, même lorsqu’elle se nourrit de multiples supports tangibles, les sciences sociales sont conscientes du rôle central qu’elle joue dans l’agencement du monde.»
- la lutte de classe parmi l’élite
- la corruption: «[…] en se corrompant, le pouvoir corrompt aussi les sujets dont il a pourtant besoin pour assurer sa durabilité.»
- la soumission différenciée en ville et en province
- la médiocratie ontologique et pratique du pouvoir
- les rapports sociaux: «Le pouvoir est le mode d’invention et de gestion des rapports de domination symboliques, de distance, mais aussi de proximité.»
- la destruction du pouvoir: «[…] si la violence construit l’État, la coercition et la prédation qu’il exerce le condamnent à la destruction.»
- le défi chrétien dans l’Empire romain
- la question de la violence et de la tyrannie
- l’orthodoxie et les dissidences religieuses
- les guerres civiles et extérieures.

Référence

Bozarslan, Hamit. - Le luxe et la violence. Domination et contestation chez Ibn Khaldûn. - Paris: CNRS Éditions, 2014. - 240p. - ISBN 978-2-271-08075-2. - BAnQ: 320.01 I13b 2014. - [Citation, p. 11, 9, 32, 69, 88, 123-124, 217].

Image

Bataille entre Tamerlan et le sultan d'Égypte (Wikipédia) - [L’entreprise de Tamerlan est abordée dans le dernier chapitre du livre.]

Aucun commentaire: